Tout voyageur un tant soit peu sérieux dans sa passion comptera le nombre de pays, de villes, de lieux visités. Ce décompte peut sembler à priori superficiel, mais il peut mener à d'agréables discussions entre voyageurs sur les endroits explorés. Mais comment déterminer si on a visité un lieu? Faut-il simplement y poser le pied? Faut-il y passer une nuit? Pour ma part, je crois que, règle générale, si on peut photographier un site, c'est qu'on y a été.
En effet, si on peut montrer une photo d'un lieu, c'est qu'on y a marché ou qu'on l'a traversé en automobile ou en bus, en train ou en bateau, on a eu un contact direct ou indirect avec son sol ou son cours d'eau environnant. On y a donc été. On l'a donc visité. On en ramène une preuve indéniable que d'autres personnes pourraient elles aussi ramener si elles effectuaient le même trajet. Même si le temps passé dans une région est très bref, même si on en a seulement effleuré les limites, même si on ne croque sur le vif que l'arrière d'un édifice, qu'une voie ferrée, qu'une autoroute, que des maisons sur un rivage, il n'en demeure pas moins que la photo prise représente un emplacement identifiable et vérifiable. À noter que l'intérêt d'une telle photo relève d'un tout autre débat.
Le critère photographique possède toutefois une importante limite: il ne s'applique pas aux photos aériennes. La grande distance entre la personne et le sujet photographié fait en sorte qu'aucun réel contact n'existe entre les deux. Dans bien des cas, l'identification du lieu à partir du haut des airs s'avère ardue, voire impossible. On peut facilement reconnaître Paris, certes, mais une ville comme Bâle? Je n'en suis pas convaincu. Par contre, les photos prises lors d'un atterrissage comptent: après tout, si on atterrit, c'est que l'on s'apprête à poser le pied à cet endroit. Tandis que si on ne fait que survoler une zone, on n'en foulera pas le sol, on ne la traversera pas, on ne naviguera pas sur le cours d'eau qui la coupe ou la borde. On l'aura vue, oui; mais on ne l'aura pas visitée.