mardi 25 janvier 2011

Le droit de ne pas aimer un pays

Il arrive parfois que le voyage que l'on avait planifié ne nous apporte pas autant de satisfaction qu'on l'aurait souhaité, sans qu'il y ait nécessairement de raison précise pour expliquer notre désillusion. Parfois, on n'a juste pas senti de connexion avec le lieu visité.

Malgré tout, quand nos proches nous demandent comment a été notre voyage, on peut éprouver une certaine gêne à admettre notre déception. Surtout si on les a taquinés avant notre départ (du genre, « Ha ha, je serai à Cuba pendant que vous vous les gèlerez ici. »). C'est comme si l'on se sentait coupable, lorsqu'on n'apprécie pas un pays. Comme si l'on se devait de tout aimer, sous prétexte qu'on a choisi de plonger dans cette aventure, que l'ouverture d'esprit nous force à taire nos réactions et réflexions au profit d'une évaluation « objective » de notre périple. On peut alors se trouver des excuses pour atténuer la portée de nos propos peu flatteurs sur l'endroit dont on est revenu déçu. Comme si l'on craignait que notre entourage nous juge sur notre opinion défavorable. Comme s'il fallait absolument se soumettre à quelques critères arbitraires, apparemment adoptés par une majorité de gens, sur ce qui est considéré comme branché et intéressant. Par exemple, avouer notre désenchantement après une fin de semaine à New York peut nous placer dans un contexte où l'on aura à défendre notre perception auprès de ceux et celles qui voient la ville comme la quintessence de la « branchitude ».

Pourtant, rien ne nous y oblige. Pas plus qu'on doit aimer une telle musique, une telle émission de télévision, une telle nourriture, une telle personne. Deux de mes amis n'ont pas été séduits par l'Inde. Je n'ai pas adoré la Suisse. Et alors? Ne pas aimer un pays ne révèle pas tant de choses sur lui; en fait, ça en dit plutôt beaucoup sur nous, sur nos intérêts, sur nos goûts, sur nos valeurs. Certes, on peut vivre des expériences traumatisantes en voyage et en revenir marqué à vie, mais plus souvent qu'autrement, notre déconvenue ne constitue que le reflet d'une simple incompatibilité entre notre caractère et l'ambiance du pays. C'est tout. Pas besoin d'une théorie néo-post-psychanalytique pour expliquer le pourquoi du comment.

Bien sûr, de nombreuses personnes ne ressentent pas cette gêne et critiquent sans vergogne les lieux qu'elles ont explorés: soit elles démontrent alors leur nature franche, brutalement honnête, soit elles dévoilent ainsi leur personnalité négative. Les individus brutalement honnêtes peuvent nuancer leurs critiques. Et c'est très bien comme ça, car ils deviennent par le fait même des sources fiables pour les curieuses et curieux qui cherchent de l'information sur une région donnée. Par contre, les esprits négatifs estiment que rien n'est assez bon pour eux. Ils remarquent des défauts partout et ils ne se concentrent que sur ces seuls aspects. Je préfère donc me renseigner auprès des premiers, car les deuxièmes, en plus de n'avoir à offrir que des jugements incomplets, sapent mon énergie.