Mon histoire en Colombie-Britannique m'a fait réaliser l'importance de choisir avec soin les gens avec qui l'on part en voyage. On ne doit pas choisir quelqu'un simplement parce qu'on s'entend bien avec elle ou lui: ça ne suffit pas. Il existe un univers de différence entre un ami (ou une amie, bien sûr) avec qui on ne fait que boire une bière en regardant le hockey le samedi soir et un ami avec qui on se sentirait confortable même si on se perdait en pleine nuit dans un quartier mal famé d'une grande ville. Un vrai ami peut cadrer dans ces deux contextes: un ami moins proche, non.
Il faut donc choisir un ami (ou plusieurs, si on le désire; les critères restent toutefois les mêmes pour chacun) avec qui on possède un lien fort, presque fraternel. On doit avoir la certitude de pouvoir partager sans heurt avec lui toutes les péripéties imaginables, les meilleures comme les pires. Ce processus de sélection s'avère essentiel, mais plus difficile qu'il ne paraît, car on ne peut pas toujours deviner comment l'autre réagira dans les moments plus déroutants.
Par exemple, on croit avoir bien saisi la personnalité de son ami, mais lorsque survient un évènement désagréable, il ne parvient pas à gérer cet afflux d'émotions brutales et puissantes. Il pique une colère inattendue. Il nous engueule. Il refuse de s'impliquer dans la recherche d'une solution. Il se met à bouder. Il se referme. Peu importe comment il exprime son désarroi, il démontre à ce moment-là une attitude qui peut envenimer davantage un incident déjà trop pénible. Il devient alors facile de développer une vive rancœur envers cet ami, ami que l'on aime et respecte pourtant, en d'autres circonstances. Le fait de voir un être familier sous un jour aussi défavorable peut détruire à jamais l'image qu'on avait de lui. Une fois le respect perdu, l'amitié ne survit habituellement pas très longtemps, car ses fondations ont été brisées.
À mon avis, le seul truc vraiment efficace pour identifier le meilleur choix possible en matière de compagnon de route consiste à effectuer un premier voyage court, près de chez soi, avec la personne avec qui l'on souhaite partir pour une plus longue période. Il faut cependant ne pas avoir d'attentes et garder l'œil ouvert pour détecter les signes qui nous permettront de jauger de la compatibilité entre nous et l'autre. Si tout se passe bien, on pourra raisonnablement extrapoler qu'un périple plus ambitieux se déroulera sans anicroche. Si l'expérience tourne mal, on aura au moins évité de découvrir cette incompatibilité à des milliers de kilomètres de la maison, quand les possibilités de retour d'urgence demandent une logistique plus complexe et des fonds plus importants.
Mais parfois, c'est nous qui réagissons d'une façon médiocre, quand on a l'impression de ne plus avoir d'emprise sur quoi que ce soit. C'est nous qui « pétons les plombs », c'est nous qui nous refermons, qui compliquons les choses, car on se sent dépassé par les évènements. On pose alors des gestes incongrus, on dit des mots regrettables, on rompt le lien de confiance nous unissant à l'autre. Pour prévenir ces écarts, on doit bien se connaître, car être capable de prévoir comment on pourrait répondre à différents contextes permet d'esquiver de fâcheuses surprises. On éprouve par conséquent plus de facilité à reprendre le contrôle de la situation, si nécessaire, on anticipe avec plus d'aisance la résolution heureuse de la crise, car on connait l'éventail de nos réactions possibles et l'ampleur de nos ressources. Cette assurance constitue un outil très précieux, tant pour soi que pour l'autre, qui pourra, au besoin, se fier à nous.
Voyager avec des amis peut s'avérer génial ou catastrophique, selon les cas. Pour avoir vécu ces deux extrêmes, je pense que les observations susmentionnées peuvent servir de critères quand vient le temps de choisir son équipier. La qualité du voyage dépend beaucoup de ce choix, alors il ne faut pas le négliger.